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Introduction

Cette fois, j’ai décidé de vous relater un accompagnement particulièrement intéressant. Cet article bénéficiera d’un format particulier puisque j’ai pu garder des contacts avec le couple après la fin de l’accompagnement. Leur travail m’avait impressionnée et quand il a été question de le boucler, j’ai eu l’idée de leur ai demander s’ils seraient d’accord de répondre à quelques questions en vue d’un article que je souhaitais publier. Ils ont accepté et nous avons laissé s’écouler quelques mois entre la dernière séance de travail et l’envoi des questions sur lesquelles je leur proposais de se pencher.

Ce qui suit relate cet accompagnement, en version expurgée, en croisant nos trois points de vue.

Les éléments saillants de la situation du couple

Isabelle et Julien ont tous deux la cinquantaine. Ils ont deux enfants majeurs, un garçon et une fille, vivant encore sous le toit familial bien que déjà très autonomes.

Le couple a déjà connu une crise quinze ans plus tôt. Il s’en est sorti, mais probablement abimé. Et la crise actuelle, selon eux, est notamment une conséquence tardive de cette première crise dont ils n’ont pas suffisamment pris soin.

D’entrée de jeu, Isabelle m’explique que la communication au sein du couple est déficiente. Julien parle très peu et elle ne sait plus comment améliorer cet aspect du couple.

La sexualité du couple a quasiment disparu, tous deux ont des vies professionnelles très denses, des amis personnels…

Julien a fréquenté des prostituées et Isabelle a découvert l’orgasme par hasard, dans un bain à bulles et ensuite avec un amant avec lequel elle n’a actuellement plus de contact. Elle n’éprouve plus de désir pour Julien et vit douloureusement ses sollicitations, qu’elle repousse.

En bref, le couple a déserté sa conjugalité et ne tiens plus que par un fil, celui de la parentalité. Comme les enfants vont bientôt quitter le nid, la crise émerge avec intensité.

L’accompagnement

Pendant une longue partie de cet accompagnement, Isabelle va vivre une immense culpabilité : elle se sent coupable dès que Julien souffre, dès qu’elle se refuse à lui sexuellement, dès qu’elle sort de son rôle attribué de « bonne épouse ». Elle a une représentation très définie, stéréotypée, de ce qu’elle doit faire ou être en tant que femme dans son couple, et aussi dans sa famille.
Elle va devoir accepter d’être qui elle est et d’écouter ses désirs plutôt que de correspondre à cette image de la femme parfaite véhiculée par la culture patriarcale, qu’elle a inconsciemment adoptée mais qui ne lui convient absolument plus…
Julien, quant à lui, va revisiter son rôle de conjoint et sa vision de la sexualité dans le couple.

Deux thématiques ont nécessité une attention importante :
La sexualité au sein du couple, qui va trouver une voie nouvelle, et les modèles véhiculés par la culture dominante.
Dans la foulée, le couple se réorganisant autrement, va aussi repenser son rôle parental pour redonner de la place à la conjugalité.
Par voie de conséquence, cette nouvelle cohésion du couple a apaisé les angoisses des enfants (qui sentaient la fragilité du couple conjugal), les soulager de leur rôle de garant du couple et soutenir leur autonomisation.

Mes questions et leurs réponses

Je leur ai envoyé un mail avec quelques questions.
Voici leur réponse :

« Bonsoir Christine,

Réponse dans ton mail initial.
Sorry pour le délai, mais nous étions occupés à être heureux 🙂

Bonne lecture et à ta dispo 🙂 »

  • Quels sont les points sur lesquels votre couple a particulièrement évolué pendant ce suivi ?

    Julien : la communication. Nous communiquons plus facilement, plus franchement sans attendre que la coupe soit pleine. Nous arrivons à trouver les mots, on dit les choses comme on les ressent plus facilement.

    Isabelle : nous sommes plus attentifs l’un à l’autre, le bien-être de l’autre compte autant que le bien être individuel. Les « choses » se disent, sincèrement, en toute bienveillance. Je trouve bcp plus d’espace pour exprimer ce que je ressens. Fabien est bcp plus présent dans ma vie professionnelle, à la maison, je peux compter sur lui pour tout.
  • Quelles transformations personnelles ont été nécessaires pour permettre cette évolution du couple ?

    Julien : il a fallu une ouverture d’esprit et une remise en question profonde. Mon sens des priorités a complètement changé. Je suis plus orienté couple /famille alors qu’avant c’était la sécurité financière qui primait au travers du travail. Et je palliais au travers du golf presque uniquement.

    Isabelle : j’ai trouvé plus de place pour exprimer ma façon de penser et donc, c’est comme si « ma » façon de voir avait maintenant de la valeur ou du sens. Je me sens entendue. Mon travail personnel aura été de lâcher prise, de faire confiance, de faire de la place à Fabien à nouveau dans ma vie. Accepter que nos chemins se recroisent. Un travail sur une confiance à établir sur notre devenir. J’ai dû ouvrir les yeux sur l’homme que Fabien est devenu.
  • Qu’est-ce qui vous a donné la force de traverser cette crise ensemble ? Qu’est-ce qui a créé assez de sécurité pour que cette traversée soit possible ? La posture du thérapeute vous a-t-elle aidés ?

    Julien : l’envie de ne pas gâcher autant d’année de vie et d’histoire commune m’a tjrs porté. J’ai voulu comprendre ce qui se passait, pourquoi c’est arrivé. La sécurité est venue du fait qu’on s’engage à deux dans le processus. Épaulés par une personne neutre et professionnelle avec qui le feeling et la confiance sont passés dès le premier contact. Le fait que tu précises que l’objectif et l’issue de cette thérapie pouvaient aussi bien être la séparation que le début d’une nouvelle ou seconde ou suite d’histoire.

    Isabelle : idem 🙂 Julien y a cru pour 2 au départ. Nous méritions de faire ce travail. Après toutes ces années de vie commune. Tu m’as été d’une grande aide, j’ai trouvé en toi de l’écho sur ma façon de penser. J’y ai puisé de la force et de la confiance. Je me sentais en sécurité. Et j’ai pu redécouvrir Julien au fur et mesure du temps.
  • De votre point de vue, quels ont été les rôles essentiels de votre thérapeute durant cet accompagnement ? A quoi le thérapeute sert-il ? En quoi a-t-il aidé votre couple ?

    Isabelle et Julien : tu as apporté de la sécurité (tu as mis des bordures :)) tout en allant très loin dans les sujets que nous n’abordions plus tels que : la sexe, les enfants, leurs places dans la famille et dans le couple. Notre propre place dans le couple. Notre individualité. La place du travail de chacun dans le couple (surtout celui de Isabelle). Le thérapeute est tantôt modérateur, tantôt moteur, il questionne en toute bienveillance, il clarifie (rephrase les propos de chacun), il propose des pistes de réflexions, de travail, d’habitude à changer, de routine à modifier. Il pause un cadre tout en étant très flexible par rapport au mood du jour.
  • Et maintenant que la thérapie est finie (depuis plus de trois mois), qu’est-ce qui a changé pour votre couple ?

    Julien : je fais toutes les tâches ménagères :):):) (rires). Plus sérieusement, Je me sens soulagé de ne plus avoir ce poids de vivre avec cette crainte que tout s’effondre. Je profite du moment présent et de chaque instant. Je veille à tjrs remettre l’importance là où elle doit être et je me sens plus léger.

    Isabelle : il fait toutes les tâches ménagères (rires). Très sérieusement, il m’aide bcp plus à la maison, de manière à ce qu’on puisse plus profiter de moment ensemble le week-end ou le soir. De manière à ce que je puisse m’accorder du temps aussi pdt le week-end. Je me sens écoutée, je me sens exister en tant que personne à part entière. Je me sens bcp plus libre dans ma façon de voir et ressentir les choses. J’ai plus de « place » de « valeur ».
  • Votre couple continue-t-il à évoluer ? Si oui, de quelle façon ?

    Isabelle : oh oui, il y a bcp plus d’écoute, de douceur, de rires, de joies, de légèreté.

    Julien : idem 🙂 on continue à « grandir » ensemble. Nous restons attentifs à ce que des « mauvaises » habitudes ne soient pas reprises, nous sommes chacun à notre tour les « garde-fou » de notre couple.

    Isabelle : je suis heureuse d’avoir fait ce travail. Je pense que chaque jour je remercie je ne sais qui ou quoi de l’avoir fait. Il nous a rendu meilleurs, plus forts, plus liés, plus heureux, plus aimants. On peut être fiers de nous. Ça a été un gros travail, pas facile, perturbant parfois, mais, je ne voudrais pas ne pas l’avoir fait. Sans ce travail, nous aurions probablement finis bcp moins heureux.

En guise de conclusion

J’ai envie, pour conclure, de partager combien je leur suis reconnaissante de m’avoir confié leur point de vue, de m’avoir fait part de ce qui forcément m’échappe dans l’intensité d’un accompagnement de couple : leur regard sur ma posture et leur vécu par rapport à ma manière d’intervenir. C’est une première pour moi et leur feedback est précieux et instructif.
Je tiens également à souligner que les conditions dans lesquelles s’est déroulé cet accompagnement ont été particulièrement favorables et nous avons pu le mener à son terme sans difficultés importantes. Les circonstances ne sont pas toujours aussi clémentes.

(Les signes distinctifs des personnes et situations qui ont inspiré cet article ont été modifiés.)