Juil 6, 2019 | Entreprise familiale
La récente loi du 23 mars 2019 réforme le droit belge des sociétés et associations.
Entrée en vigueur le 1er mai 2019, elle sera applicable aux sociétés existantes dès le 1er janvier 2020. Celle-ci auront jusqu’au 1er janvier 2024 pour modifier leurs statuts et les mettre en conformité avec le nouveau code. Cependant, si une entreprise déjà existante effectue une modification de ses statuts avant la fin du délai, elle devra automatiquement les adapter et les rendre conformes au nouveau code.
Plus d’infos sur les mesures transitoire, ici.
Le long délai prévu dans les mesures transitoires offre l’opportunité d’une réflexion approfondie sur l’organisation de l’entreprise familiale. A la clé :
– un bien meilleur ajustement entre le fonctionnement du système familial et celui du système entrepreneurial.
– une plus grande cohérence entre la forme juridique de l’entreprise, ses statuts, les différents niveaux de pouvoir, et les dynamiques hiérarchiques et relationnelles spécifiques à la famille.
– une clarification des rôles et place de chacun des membres de la famille qui sont impliqués dans l’entreprise.
– une meilleure répartition des fonctions de chacun au regard des compétences techniques, des soft skills et dans le respect des dynamiques familiales sous-jacentes.
– un apaisement de conflits existants et/ou une anticipation de probables conflits futurs.
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Quels sont les aspects des modifications qu’apporte le nouveau code qui intéresseront particulièrement l’entreprise familiale ?
– Les différentes formes d’entreprises sont élaguées et simplifiées. Le code a retenu 4 formes de sociétés et supprimé toutes les autres :
1. La SA – Société Anonyme : cette forme de société est maintenant réservée aux grosses entreprises qui ont un actionnariat important.
Nombre de SA familiales auront donc intérêt à passer à une autre forme, plus adaptée à leur fonctionnement.
2. La SRL – Société à Responsabilité Limitée : ancienne SPRL, cette forme est la plus flexible : Quotation en bourse possible, plus de capital minimum légal mais des ressources suffisantes par rapport à ses objectifs et activités à développer, libéralisation de la cessibilité des actions (les entrepreneurs familiaux apprécieront), nouvelles règles de distributivité des bénéfices…
3. La SC – Société Coopérative.
4. La Société Simple, seule à ne pas être dotée de la personnalité juridique.
Pour plus de détails sur les diverses formes juridiques, cliquez ici.
– Le nouveau code prévoit bien plus de dispositions supplétives que l’ancien: une aubaine pour l’entreprise familiale!
Des dispositions anciennement impératives ou d’ordre publique deviennent supplétives, ce qui offre la possibilité d’ajustements beaucoup plus fluides et aisés entre le fonctionnement réel et la structure juridique. Les actionnaires ont donc désormais les coudées plus franches pour faire valoir leurs souhaits.
Cette avancée va permettre de renforcer le caractère intuitu personae propre à l’entreprise familiale, en augmentant statutairement ou contractuellement la considération pour le type ou la qualité des relations existant entre les personnes.
Quelques questions à se poser, pour l’entreprise familiale, à l’occasion de l’adaptation de ses statuts :
– Quels sont les droits liés à la détention de parts ?
– Quelles décisions doivent être prises à la majorité spéciale ?
– Quid de la cession des parts (clause d’agrément, de préemption ?), notamment en cas de décès ?
– Comment répartir les responsabilités détenues par l’AG ou par les administrateurs, en fonction des nouvelles possibilités offertes par la loi ?
– Quelle latitude donner à un administrateur ? (Révocabilité, responsabilité, …)
– Quelle serait l’utilité d’un pacte d’actionnaire ou d’une charte familiale, pour ce qui n’est pas à sceller dans les statuts ?
– Qu’indiquer dans les statuts ou dans un tel pacte ou encore dans une charte, et avec quels effets ? (Clauses de répartition des mandats et fonctions d’administrateurs, clauses relatives à la gestion de la société, rémunération, clauses d’arbitrage de conflits…)
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Avr 6, 2019 | Articles et livres, Entreprise familiale
Jacques-Antoine Malarevicz, systémicien de renom, intervient en entreprise depuis 1987. Il nous livre dans cet article son regard sur l’entreprise familiale et en particulier les difficultés liées à la transmission de celle-ci.
Selon lui, au moment de la transmission, l’entreprise est plus que jamais envisagée comme un patrimoine, monétisée, et c’est cette considération monétarisée de l’entreprise qui réveille les affects et rend problématique la transmission. Au point que pour deux entreprises sur trois, la transmission se passera mal et l’entreprise ne pourra pas rester dans la famille.
On comprend à quel point les enjeux sont cruciaux !
La transmission est affective à plus d’un titre, et à des degrés divers selon les personnes et les situations.
Il y a bien entendu la situation du/des cédant(s), parfois fondateur(s) de l’entreprise, qui a/ont un véritable travail de deuil à faire.
Par ailleurs, le cédant aura à accorder sa confiance à son ou ses enfants repreneurs. A l’heure actuelle, le repreneur n’est plus systématiquement l’ainé, mais peut être n’importe lequel des enfants, fille ou garçon. Il peut également s’agir de co-repreneurs : plusieurs membres de la fratrie, un couple, …
Cela peut également compliquer le bon déroulement de la transmission car cela remet en question les cadres de référence traditionnels.
Des secrets de familles émergent parfois à cette occasion, déstabilisant d’autant plus le système familial et ses membres.
Les problèmes de transmission font crise lorsqu’ils n’ont pas été anticipés, nous dit le systémicien. L’essentiel est de préserver l’entreprise, qui peut sérieusement souffrir de périodes conflictuelles trop longues, dues au manque de préparation.
L’idéal, selon Malarevicz, est d’avoir anticipé par l’élaboration préalable d’une « charte familiale » prévoyant toutes les problématiques, tant financières que relationnelles.
Au vu des changements sociétaux de notre époque et de leur rapidité, je me demande parfois s’il est possible de tout anticiper. Et comment anticiper des secrets de famille ? Mais il est clair que la prévision des problématiques possibles via une charte constitue un excellent travail préparatoire.
Les modalités de réalisation de ce travail seront également essentielles : au plus la famille sera mobilisée et impliquée, au plus le système sera préparé. Donner une place à la composante émotionnelle dans le travail préparatoire sera également un gage de meilleur déroulement de la phase de transition effective.
Dans la réalité que j’observe et accompagne, prévoir les dynamiques relationnelles inconscientes liées à la transmission reste difficile.
Il me semble délicat de stigmatiser les entreprises qui n’auront pas trouvé le temps de faire ce travail préalable ou n’y auront pas pensé par manque d’information, ou encore se retrouveront coincées dans une crise malgré un travail anticipatif, du fait de l’émergence d’événements nouveaux dans le processus de la transmission.
Sep 7, 2018 | Couple, Entreprise familiale
Au fil de mon travail avec les couples et avec des familles en entreprise, il m’est apparu que certains couples doivent être approchés avec une attention particulière : les couples dont l’un ou les deux gère(nt) une entreprise familiale.
Je souhaite développer aujourd’hui quelques aspects à prendre en considération et qui caractérisent le travail avec de tels couples. Ce sont des tendances que je retire de mon expérience, elles ne sont certainement pas figées.
Les différents « niveaux » du couple :
– Le couple conjugal
– Le couple parental (qui exerce conjointement la fonction parentale)
– Le couple entrepreneurial (dont une fonction peut-être de diriger ses propres enfants, ce que nous ne développerons pas ici.)
Lorsque le couple est en interaction sous nos yeux de thérapeute-accompagnant, il est important de repérer à quel niveau il se trouve. Il n’est pas rare que les échanges mêlent les différents niveaux dans une même conversation. Il sera utile de repérer les niveaux en question et de faire prendre conscience au couple là où il se situe.
Véronique et Sylvain, ensemble depuis 27 ans, travaillent tous deux dans l’entreprise qu’ils ont créée et dont Sylvain est majoritairement propriétaire. Il est patron, elle est gérante. Lors de la première séance, la tension entre eux est incroyable, et dès que l’un ouvre la bouche, l’autre répond immédiatement et de façon défensive. C’est rapidement l’escalade… au point que je ne comprends plus un traitre mot de ce qu’ils se disent. Se mêlent des propos concernant l’éducation des enfants, des dossiers juridiques qui fâchent, des reproches concernant les dernières vacances, des revendications portant sur les tâches ménagères… et le ton est belliqueux.
Chez certains couples, un niveau pourra également être significativement absent. Quel est le sens de cette éviction ? Celle-ci révèle-t-elle quelque chose de la problématique du couple ?
Lors des échanges (houleux) de Christiane et Marc à l’occasion de nos séances de travail, jamais n’est évoquée leur relation amoureuse, leur vie de couple. Celle-ci est actuellement absente, probablement écrasée par la vie de famille et les soucis de l’entreprise. Et lorsque les circonstances pourraient permettre des moments chaleureux, curieusement, l’organisation mise en place s’effondre. J’en arrive à penser que cet espace n’a peut-être jamais été investi, vécu par le couple et je décide d’explorer progressivement cette hypothèse, en la mettant en lien avec l’histoire du couple et aussi ce qui, dans leurs histoires respectives, pourrait expliquer ce vide.
Faisons le tour des points d’attention qui me semblent se révéler particulièrement sensibles pour un couple en contexte entrepreneurial :
Questions de pouvoir
Dans tout couple existent des jeux de pouvoir. Rien de problématique en soi, sauf si ces jeux manquent de mobilité et génèrent de la souffrance.
Par ailleurs, pour un couple en entreprise, il est opportun de regarder comment les jeux de pouvoirs sont différenciés d’un niveau à un autre, et si ces modalités sont opportunes, en particulier dans le couple entrepreneurial où les compétences sont à mettre en parallèle avec l’analyse des hiérarchisations.
Les questions d’argent vont ici avoir un impact non négligeable et seront à explorer avec finesse, non seulement en analyse chiffrée mais également avec une attention particulière au vécu subjectif de chacun.
Dans le couple Véronique-Sylvain, le pouvoir est réparti différemment en fonction du niveau du couple, et c’est une bonne nouvelle. Ce qui l’est moins, ce sont les modalités de ces hiérarchisations :
– Dans l’entreprise, Sylvain « a le pouvoir ». Il est actionnaire largement majoritaire et CEO, mais ne sait pas déléguer efficacement à Véronique. Il délègue implicitement, ce qui lui permet de pouvoir faire des reproches à son épouse et de se décharger de ses responsabilités de chef d’entreprise. Il va même jusqu’à reprocher à Véronique de lui voler son autorité. Dans certains dossiers, il intervient sans en avoir les compétences et sabote le travail de véronique. La répartition des pouvoirs est floue ainsi que la distribution des rôles et des responsabilités de chacun. Les compétences de l’un et l’autre ne sont pas suffisamment prises en compte pour définir leurs responsabilités.
– Au sujet des enfants, Véronique a pris beaucoup de pouvoir et est très coulante avec ses enfants. Les tentatives de Sylvain de trouver sa place de père, de poser du cadre et de participer à une réflexion de fond sur les questions éducationnelles sont systématiquement rejetées par Véronique, appuyée par les enfants qui profitent de ce point faible du couple pour « se la couler douce ».
Un peu de géographie communicationnelle
Que fait le couple, de quoi parle-t-il et surtout, où ? Parle-t-il de l’entreprise lors du souper/diner quotidien à la maison ? Les locaux professionnels sont-ils témoins de disputes conjugales ? Les vacances permettent-elles un repos à l’abri des émois de la vie de l’entreprise ? Quand et où parle-t-on de l’éducation des enfants ?
Tout est mélangé dans la communication de ce couple : on s’engueule à propos du souper ou des enfants au bureau, on donne des ordres et des tâches professionnelles à la maison, on parle travail au beau milieu des vacances… et toujours dans l’empressement, le chaos et sans consentement de l’autre. Sans parler de la mère de monsieur, qui s’autorise à arriver à l’improviste à la maison sous prétexte qu’elle va aider au repassage… Ne serait-il pas temps de définir des lieux et heures où parler du travail, des enfants … à rendre des frontières à la vie de famille et aussi redéfinir un espace où puissent se rencontrer ces deux personnes qui s’aiment ?
Grandir tout en restant en lien
Tout système relationnel traverse des phases de croissance. C’est bien évidemment également le cas du couple. Ces étapes ont notamment pour « objectif » que les membres du système relationnel puissent se différencier tout en continuant de co-exister dans la relation.
L’on peut résumer ces phases comme suit, sachant qu’elles se montrent dans l’histoire du couple de façon non linéaire :
- phase de dépendance (ou fusionnelle)
- phase de contre-dépendance (phase d’opposition)
- phase d’indépendance (je n’ai pas besoin de l’autre)
- phase d’interdépendance (je suis différent de toi et je collabore avec toi)
Il peut être utile de vérifier où en est celui-ci dans son évolution et son histoire. Serait-il « coincé » dans une phase, sans possibilité de s’en dégager, de la traverser, de passer à la phase suivante. Et si oui, qu’est-ce qui entrave cette avancée ?
A la fin d’une séance individuelle avec Serge, nous échangeons quelques idées sur le pas de la porte. Il me pose une question et la réponse qui me vient est très intellectuelle et théorique. Je décide de lui partager cela, et je lui explique en quelques mots les phases de différenciation. C’est alors qu’il s’exclame : là, c’est là que nous sommes coincés : nous voulons tous les deux rester dans l’individualisme… sans y parvenir ni être capable d’aller plus loin.
Engagement et liberté
Un engagement fort est distinctif des entreprises familiales qui durent. Mais au fait, de quoi parle-t-on quand on parle d’engagement ? L’engagement est-il libre ou forcé ? Et quelles sont les particularités de l’engagement d’un couple dans un contexte d’entreprise familiale.
S’il semble qu’il y ait désengagement chez l’un (ou les deux ?), c’est certainement à mettre en lumière et à explorer !
Ils sont ensemble depuis près de trois décennies, et à entendre André, c’est difficile depuis toujours ! Lui est au bord de la rupture. Rosanne n’est pas de cet avis, et elle se souvient avec émotion de jours plus heureux. Mais que ça semble lointain.
Qu’est-ce qui les a maintenus ensemble, alors ? L’amour qu’ils se portent ? Les enfants ? Leur entreprise ? Des valeurs communes ?
Qu’est-ce qui sous-tend le désengagement d’André ?
Et qu’est-ce qui pourrait encore soutenir leur engagement actuellement, et pour la suite ?
Blessures et événements existentiels
Le couple, tout au long de son existence, va immanquablement traverser des moments difficiles de différentes natures, intrinsèques ou extrinsèques.
Les étapes « classiques » de l’existence d’un couple: la naissance des enfants, la maladie de l’un ou l’autre, le décès d’un parent, le départ d’un puis des enfants, la pension de monsieur ou madame, …
Et aussi des circonstances spécifiques de la vie du couple en contexte d’entreprise familiale: fondation de l’entreprise, décès du chef d’entreprise, transmission de l’entreprise, entrée du conjoint ou d’un enfant au sein de l’entreprise, perte d’un gros contrat pour l’entreprise, …
Ces moments sensibles et mouvementés, souvent externes au couple mais internes au système global, peuvent laisser des traces invalidantes (perceptibles ou masquées) au niveau des personnes, mais également au sein de l’entité couple, ou de l’entreprise.
Vinciane et Frédéric ont créé leur entreprise il y a une petite vingtaine d’année. Au tout début de leur relation, Vinciane était elle-même indépendante et elle a vécu une faillite, avant de rejoindre Frédéric dans leur entreprise commune. Ce moment a été très difficile à vivre pour Frédéric et a laissé de traces dans la relation entre eux, sans que cela soit dit ni même conscientisé.
Actuellement, leur couple souffre encore des non-dits de l’époque et de la perte de confiance qui a grevé la relation suite à cet épisode. L’entreprise est invalidée dans son fonctionnement et dans son développement alors que les presque vingt années de vie prospère de l’entreprise sont là pour attester de la compétence de gestion des deux conjoints !
Pour conclure en quelques mots…
La complexité de la situation du couple en entreprise familiale est assez flagrante, me semble-t-il, et elle mérite non seulement une analyse très pointue mais également des choix judicieux sur les stratégies de travail du praticien, les modes d’intervention, le ou les lieux d’intervention, les personnes ou sous-systèmes sur lesquels le praticien va décider de travailler…
Sans compter que les souhaits stratégiques du thérapeute seront vraisemblablement contrecarrés par les limites, les besoins et la disponibilité du couple, et bien sûr la vie de l’entreprise, dont il sera essentiel de tenir compte également.
Bibliographie :
Chemin André, « Contribution à une Gestalt-thérapie du système familial », Revue Gestalt n°5, Bordeaux, 1993.
Danjou Isabelle, « « Et toi, et moi » – Co-exister avec autrui », Revue Gestalt n°37, Vauréal, 2010.
Denis Valérie et Mossoux Jean, « Bijoux de familles », Roularta Books, 2010.
Kepner Elaine, « Le processus gestaltiste de groupe », Cahiers de Gestalt-thérapie n°4, Editions du Collège Européen de Gestalt-thérapie, Bordeaux, 1998.
Miller Michael Vincent, « Une esthétique de l’engagement » in « La poétique de la Gestalt-thérapie », L’Exprimerie, Bordeaux, 2002.
Sauzède-Lagarde Anne et Sauzède Jean-Paul, « Entre câlins et tempêtes – Créer un couple durable », InterEditions, Paris, 2011.
Sauzède-Lagarde Anne et Sauzède Jean-Paul, « Structurer l’expérience d’une thérapie du couple », Revue Gestalt n°37, Vauréal, 2010.